Le débat embarrasse aussi à droite
De Villepin à Juppé en passant par Raffarin ou Yazid Sabeg, de plus en plus de voix dans la majorité s'inquiètent des dérives du débat lancé par Eric Besson.
«Ce débat n'a pas de sens»,
«c'est un faux débat», «dans une période de crise, on a autre chose à
faire qu'à se diviser sur un sujet aussi important que celui-ci». La
charge contre l'initiative d'Eric Besson sur
l'identité nationale est violente. Elle vient pourtant d'un homme qui
n'a de cesse de glorifier la France et son histoire : Dominique de Villepin. L'ancien premier ministre de Jacques Chirac s'est livré, mercredi sur France 2, à une attaque en règle contre le débat sur l'identité nationale.
Alors que les amalgames entre identité nationale, religion et immigration se multiplient, Dominique de Villepin estime que le débat ne «doit
pas dériver vers des stigmatisations, il ne doit pas être nourri par la
peur qui est très mauvaise conseillère dans ce domaine». Il estime donc qu'il faut «l'arrêter».
La crainte de jouer les «apprentis sorciers»
Mardi, c'était François Baroin,
député-maire UMP de Troyes, qui disait «ne pas comprendre» ce débat. «A
quoi bon prendre le risque de faire de l''agit prop' pour ouvrir une
auberge espagnole (...) à quelques semaines d'une échéance électorale
qui évidemment va faciliter les amalgames, les confusions»,
interrogeait le jeune élu, proche de Jacques Chirac, pour qui «on joue un peu les apprentis sorciers». Et François Baroin de mettre les pieds dans le plat en demandant la «suspension» du débat.
Plusieurs autres personnalités à droite ne se sont pas privées de critiquer l'initiative d'Eric Besson. Pour Christine Boutin, ce débat est un «piège» qui «ne peut que redonner de l'oxygène au FN».
Elle demande, elle aussi, qu'on y mette fin, «le plus rapidement
possible». Autre signe du malaise, le débat sans vote organisé sur ce
thème à l'Assemblée le 7 décembre s'était tenu dans un hémicycle clairsemé.
Deux anciens premiers ministres se sont également inquiétés des dérives possibles du débat. Alain Juppé, tout d'abord, qui le premier s'était interrogé dès novembre sur l'opportunité de «relancer un débat» sur une question, selon lui, tranchée. Plus saignant, Jean-Pierre Raffarin
avait estimé lundi sur i>télé que « la question de l'identité ne
peut pas être une réflexion de comptoir», et demandé «plus de rigueur
intellectuelle», pour éviter le «populisme».
Des ministres embarrassés
Au sein même du gouvernement, l'embarras est sensible. Si elle est contre une suspension de la discussion, Valérie Pécresse,
ministre de l'Enseignement supérieur et candidate UMP aux régionales en
Ile-de-France, a ainsi estimé mercredi qu'il était temps de «recentrer» le débat sur des «propositions concrètes».
La veille, Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l'égalité des chances, se disait «certain» que ce thème «difficilement contrôlable» ouvrait «un champ et un espace au Front national».
Pour le moment, le débat est maintenu. Nicolas Sarkozy
a apporté mardi matin un soutien appuyé à son ministre de
l'Immigration, saluant son «courage et sa détermination» et fustigeant
les critiques «d'amis de son propre camp».
Mais l'affaire semble entendue : le chef de l'Etat, qui devait piloter ce débat, préfère le suivre de loin.
Il a ainsi envoyé François Fillon le remplacer début décembre lors d'un colloque sur le sujet à l'Institut Montaigne.
Il n'est désormais plus du tout certain qu'il conclue le débat par un
grand discours en janvier, comme c'était prévu. L'UMP, quant à elle,
indique qu'elle organisera une réunion fin janvier sur ce thème avant
de formuler des «propositions concrètes». Manière de clore le sujet.
Source : Le Figaro - Samuel Laurent - Le 16 décembre 2009